Déployer une stratégie de positionnement efficace pour vos vins sur les marchés internationaux

Aucun positionnement n’est universel : le goût, les codes et la perception du vin varient considérablement d’un pays à l’autre, et parfois d’une région à l’autre au sein d’un même marché. Selon les données de l’OIV (Rapport 2023), les principales destinations à l’export pour les vins français sont le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine, l’Allemagne et le Japon, chacune présentant des dynamiques spécifiques.

• Le Royaume-Uni : Un marché mature, sensible à la fois à l’authenticité, à l’histoire et à la traçabilité, mais également très concurrentiel, avec une grande sensibilité au prix et à la promo.
• Les États-Unis : Première destination en valeur pour les vins, c’est un marché fragmenté (New York vs Texas vs Californie) où la notion de « brand story » et de lifestyle l’emporte souvent sur l’origine.
• La Chine : Montée en gamme très marquée, perception qualitative fortement liée à la France, importance du cadeau et de la symbolique.
• Le Japon : Marché précis, très attentif à la qualité, animé par la recherche de vins de niche et d’expériences différenciantes.

Une analyse macro-économique des marchés cibles (parts de marché, croissance du segment, évolution du prix moyen, perception des vins étrangers, etc.) est donc impérative en amont. L’accès à ces chiffres se fait notamment par les bases OIV, Comtrade UN, études d’organismes filières (Business France, Wine Intelligence) ou rapports de foires internationales (Vinexpo, ProWein).

Penser le positionnement exige une définition précise de la cible. S’adresser au « consommateur international » est illusoire : chaque marché recouvre des publics variés, aux pouvoirs d’achat, attentes et parcours d’achat distincts.

Méthodes de segmentation pertinentes :

• Démographique : Âge, situation professionnelle, revenu. Par exemple, aux USA, les Millennials représentent plus de 28 % des acheteurs de vin mais sont moins fidèles et plus aventureux (Wine Market Council, 2023).
• Comportementale : Occasion de consommation (apéritif, gastronomie, cadeau), circuit de distribution (on-trade/off-trade, e-commerce, cavistes), fréquence.
• Psychographique : Attentes en termes d’engagement (bio, RSE, faible teneur en alcool), goût pour la nouveauté ou recherche de réassurance.

Un outil opérationnel utile : la carte d’empathie (empathy map), pour lister ce que pense/ressent/voit/fait la cible visée, à enrichir via des études consommateurs, analyses Kantar/IWSR ou retours distributeurs locaux.

Le positionnement se définit comme la place spécifique qu’occupe une marque ou une gamme de vins dans l’esprit du consommateur cible, par rapport à ses concurrents. Il doit donc répondre à trois conditions :

1. Être lisible : transmettre un message compréhensible rapidement, sans ambiguïté.
2. Être pertinent : être en adéquation avec une attente forte du marché cible.
3. Être distinctif : se distinguer des offres concurrentes de façon visible.

Pour formaliser ce positionnement, plusieurs outils sont couramment utilisés :

• Carte de positionnement (ou mapping concurrentiel) : cet outil visualise où se situent vos vins par rapport à la concurrence, sur des axes comme le prix, la notoriété, l’innovation ou la perception de qualité.
• Énoncé de positionnement : phrase-clé destinée aux équipes internes et partenaires, du type « Pour [consommateur cible], [nom du vin] est [sous-catégorie] qui offre [bénéfice unique] ».

Exemple : « Pour les amateurs de vins blancs premium en Chine, notre Chablis bio est la seule alternative bénéficiant d’un label écologique européen certifié ».

L’adaptation du positionnement passe nécessairement par le marketing mix, c’est-à-dire l’ajustement de l’offre, du prix, de la distribution et de la communication aux réalités locales (source : Kotler, Principles of Marketing). Quelques points de vigilance spécifiques au secteur vin :

Produit

• Formats : le format 375 mL se développe au Japon et aux USA, alors qu’il reste marginal en France.
• Assemblages : certains marchés recherchent des profils aromatiques spécifiques (fruits rouges pour les US, minéralité pour l’Europe du Nord… source : Wine Intelligence 2023).
• Labels qualité : IGP ou mention « bio » peuvent être un frein ou un atout selon les marchés ; en Chine, la mention « biologique » est associée à la sécurité alimentaire.

Prix

• Attention à la politique de discount/revente : dans certains marchés, casser les prix revient à perdre en crédibilité.
• Penser en gamme et en valeur perçue : l’expérience prime de plus en plus sur le prix facial (source : IWSR Global Trends Report 2023).

Distribution

• E-commerce en plein essor : la Chine représente plus de 40 % des ventes de vin en ligne mondiales.
• Distributeurs-importateurs : souvent incontournables, ils attendent des argumentaires clairs et des outils de vente adaptés (fiches, outils de formation, storytelling).

Communication

• Storytelling sur mesure : raconter l’histoire du domaine, des personnes, des terroirs, mais adapter la narration. On ne raconte pas le même Romanée-Conti à Tokyo et à New York.
• Adaptation linguistique et culturelle des supports (éviter le mot « champagne » pour des pétillants en Chine, par exemple).
• Poids des influenceurs et des prescripteurs locaux (sommeliers, blogueurs…).

Un bon positionnement n’est jamais statique. Sur tous les marchés, il convient de mettre en place des indicateurs de suivi : évolution des ventes, retour distributeurs, taux de notoriété ou d’essais consommateurs, suivi de la presse spécialisée et des notations (Wine Spectator, Decanter, La RVF, etc.).

Quelques bonnes pratiques :

• Organiser des panels de dégustation anonymes, intégrant locaux et expatriés, pour valider la justesse du produit
• S’assurer que la stratégie d’export s’intègre dans une logique patrimoniale (attention aux offres ponctuelles qui peuvent nuire au positionnement global)
• Mener une veille concurrentielle constante, et anticiper : par exemple, la montée des alternatives sans alcool ou des vins « nature » modifie la donne sur de nombreux marchés

Les attentes des consommateurs évoluent : selon le baromètre Kantar 2024, 41 % des consommateurs européens estiment que le respect de l’environnement est désormais un critère clé dans leur acte d’achat, contre 25 % il y a cinq ans. L’émergence des technologies (blockchain pour la traçabilité, réalité augmentée pour les étiquettes, etc.) invite à enrichir le positionnement des vins sur des dimensions inédites.

• Authenticité maîtrisée : transparence sur l’origine et les pratiques, traçabilité intégrale.
• Expérience augmentée : packs interactifs, contenu digital enrichi (ex. QR codes menant à des vidéos de vignerons).
• Flexibilité : capacité à lancer rapidement des éditions spéciales ou des collaborations pour s’adapter aux tendances (collab : musées, chefs, créateurs).

Définir et ajuster son positionnement à l’international n’est donc jamais une recette figée, mais un exercice de lucidité, de dialogue et d’agilité. À chaque étape, l’exigence de compréhension profonde des attentes locales se conjugue à la cohérence de l’offre pour créer de la valeur sur la durée.

Sources : Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV), IWSR, Wine Intelligence, Kantar, Rapport Vinexpo, Wine Market Council, Business France, Decanter, Wine Spectator.