Mener une étude de marché efficace pour réussir l’exportation de son vin : méthodes, outils et indicateurs clés

La première étape consiste à trier les marchés : inutile de s’éparpiller. Plusieurs indicateurs permettent de repérer un marché à fort potentiel pour l’export de vin :

• Volume d’importation de vins : Indicateur de la taille et de l’ouverture du marché. Selon l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin), les États-Unis ont importé en 2022 près de 13 millions d’hectolitres, loin devant la Chine ou l’Allemagne.
• Évolution de la consommation par habitant : Elle renseigne sur la maturité du marché. Par exemple, la consommation de vin par habitant baisse en France mais progresse en Corée du Sud ou au Canada.
• Prix moyen à l’import et structure de l’offre : L’Australie, par exemple, importe majoritairement des vins d’entrée de gamme, tandis que la Suisse ou le Japon montent en gamme (source : Douanes Japonaises).
• Droits de douane et barrières non tarifaires : Certains marchés offrent un avantage compétitif (ex : accords Union Européenne - Corée du Sud ou Japon), tandis que d’autres appliquent des droits prohibitifs ou des régulations contraignantes (Inde, Thaïlande).
• Canaux de distribution dominants : En Scandinavie, la vente est monopole d’État. Au Royaume-Uni, la grande distribution règne, alors qu’aux États-Unis le réseau de « three-tier system » complexifie l’accès.
• Tendances sociétales : Croissance de la part des vins bio, premiumisation ou sensibilités locales.

C’est la lecture combinée de ces indicateurs qui doit guider votre choix, et non un seul critère isolé.

Comprendre la demande, c’est aller au-delà des volumes bruts. La typologie des consommateurs, leur comportement et leurs attentes sont tout aussi déterminantes :

• Qui consomme du vin dans le pays cible ? S’agit-il d’une pratique ancrée, festive, statutaire ? Par exemple, le vin est perçu comme chic ou santé dans certaines grandes métropoles chinoises (Wine Australia).
• Segmentation par âge, revenu, sexe : Selon l'Institut français du vin, au Canada, la population des 25-40 ans tire la croissance, préférant souvent les blancs et rosés et des cépages internationaux.
• Fréquence et occasions de consommation : Fêtes, dîners, apéritifs, cadeaux. Au Japon, le vin est davantage consommé en cadeau ou lors de repas hauts-de-gamme.
• Sensibilité au prix et recherche de labels (bio, AOP…) : D’après IWSR Drinks Market Analysis, près de la moitié des consommateurs allemands se déclarent prêts à payer plus cher pour des vins certifiés.

Il est recommandé d’étayer ces données par des études terrain : entretiens avec des importateurs, sommeliers, mais aussi observations en linéaire ou participation à des salons spécialisés. Des panels consommateurs locaux, proposés par des sociétés comme GfK ou Nielsen, enrichissent également l’analyse.

Tout marché porteur est, par définition, convoité. Se fonder sur :

• Nombre et poids des importateurs par origine : Le Chili et l’Australie constituent jusqu’à 65% des importations en Chine, reléguant la France loin derrière en volume mais leader en valeur (Douanes Chinoises).
• Répartition de l’offre : Grandes marques (Yellow Tail, Gallo…), maisons familiales, vins locaux. Surtout en Amérique du Nord et en Océanie, beaucoup de marché intérieur.
• Positionnement prix des principaux acteurs : Où se situe l’essentiel du CA ? En entrée, cœur ou haut de gamme ?
• Force de la distribution et de la communication locale : Les grands groupes disposent de réseaux puissants et d’événements propres.
• Initiatives digitales : En Chine, le e-commerce représente plus de 20% des ventes de vin importé, notamment sur des plateformes comme Tmall ou JD.com (source : Vinex).

Un tour d’horizon sur place, une veille concurrentielle ou une mission d’étude ponctuelle permettent d’établir une cartographie pertinente de la concurrence.

Au-delà des chiffres, la culture du vin est éminemment locale. Les habitudes façonnent la réussite :

• Pratiques de consommation : Le vin rosé triomphe en Scandinavie l’été, mais est boudé toute l’année en Corée du Sud. En Allemagne ou aux Pays-Bas, le vin sucré a toujours ses amateurs.
• Formats et packagings : Aux États-Unis, plus d’1 bouteille vendue sur 8 dépasse le litre, alors que le Bag-in-Box gagne du terrain en Europe du Nord (Norvège, Suède selon Systembolaget).
• Confiance dans l’origine : Les marchés asiatiques sont sensibles aux AOP françaises, alors que la Pologne privilégie un rapport qualité/prix.
• Périodes de l’année clés : La consommation double parfois durant la Fête du Vin en Chine ou pendant Thanksgiving aux USA.

Ce sont ces habitudes (parfois impensées en France) qui dicteront l’adéquation de votre offre et de votre communication.

Segmenter, c’est découper le marché en sous-ensembles aux attentes homogènes afin d’adapter offre, discours et tarifs :

• Par canal de distribution : Grande distribution, cavistes, CHR (cafés, hôtels, restaurants), ventes en ligne. Chacun obéit à des codes et attentes distinctes.
• Par positionnement qualité / prix : Entrée de gamme, cœur de gamme, premium.
• Par type d’occasion : vins d'apéritif, accompagnement de repas, cadeaux d'affaires.
• Par critères sociodémographiques : Les jeunes urbains ne consomment pas comme les retraités ruraux.

La segmentation vous permettra, par exemple, de choisir entre une stratégie de volume pour la grande distribution japonaise, ou une stratégie d’image auprès de cavistes premium à New York.

Un marché n’est jamais figé. Certains marqueurs méritent une attention particulière :

• Montée des vins biologiques et « durables » : En Suède, la moitié des ventes de Systembolaget sont labellisées bio ou éthiques.
• Popularité des cépages spécifiques : Aux États-Unis, le Prosecco a connu un bond de 40% en 5 ans. En Australie, le Pinot Grigio cartonne chez les millennials (Wine Australia).
• Minimalisme ou luxe, bulle ou rosé… Les modes évoluent. Par exemple, la Russie privilégie aujourd’hui les vins effervescents en format “petits bouteillons”.
• Impact du numérique : Achat en ligne, influenceurs, approche omnicanale, critical reviews sur Vivino ou Wine Spectator.

La veille des tendances se fait via des rapports sectoriels (OIV, IWSR, Euromonitor), mais aussi à travers la fréquentation de salons internationaux et la lecture de la presse spécialisée (The Drinks Business, La Revue du Vin de France…).

Vendre du vin à l’export impose de naviguer entre exigences administratives, normes sanitaires, étiquetages spécifiques… mais aussi attentes culturelles :

• Réglementation sur l’étiquetage, les résidus, la langue : Les États-Unis exigent le Health Warning, le Japon impose le format kanji.
• Cultures du rituel : En Chine, il est proscrit de servir le vin « à soi-même » lors d’un banquet officiel ; les cadeaux d’affaires s’inscrivent dans un code précis.
• Niveaux d’accise, taxes, alcools interdits : À Singapour, les taxes représentent parfois 60% du prix final.
• Restrictions publicitaires et promotionnelles : Nombreux pays interdisent toute incitation (Australie, Canada, France elle-même et Loi Evin).

Prendre en compte cette dimension évite bien des désillusions et sécurise la pérennité de votre projet export.

• Statistiques officielles et sectorielles : OIV pour la production mondiale, douanes nationales, FranceAgriMer pour l’export français.
• Panels et études de marché : Nielsen, IRI, Euromonitor, Wine Intelligence offrent des datas précises et des analyses par cible.
• Communiqués professionnels et presse spécialisée : Vitisphere, La Revue du Vin de France, The Drinks Business, Wine Spectator.
• Instituts et services d’appui export : Business France, Team France Export, Sutralis, agences départementales.
• Renseignements locaux : Chambres de commerce binationales, professionnels implantés, missions économiques, attachés agricoles.

Pour structurer la démarche : le modèle SWOT adapté à l’export (Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces), la matrice Ansoff pour hiérarchiser les marchés cibles, ou encore l’approche PESTEL (Politique, Économique, Socioculturel, Technologique, Environnemental, Légal).

Au plan pratique, les outils de veille gratuite comme Google Alerts, Statista (partiellement gratuit), ou les bases de données Wine-Searcher, Vivino et même LinkedIn pour sonder le tissu importateur, complètent utilement l’éventail.

Réaliser une étude de marché export pour le vin exige de croiser données statistiques, observations terrain, analyse concurrentielle et compréhension fine du consommateur local. À ce carrefour, s’opère la différence entre une internationalisation pensée — synonyme de durabilité et de marge — et une tentative hasardeuse.

Une étude bien construite, nourrie par des sources sûres et des outils adaptés, permettra de :

• Orienter sa gamme de produits et de conditionnements.
• Éviter les pièges réglementaires ou logistiques.
• Optimiser ses efforts marketing.
• Créer une relation pérenne avec les importateurs et distributeurs locaux.

L'export viticole récompense la précision et la capacité à anticiper. C’est dans cette démarche méthodique que s’écrivent aujourd’hui les succès aux quatre coins du globe.