S’entourer des bons acteurs : choisir ses partenaires locaux pour réussir l’exportation de vins

Le commerce du vin, même à l’ère du numérique, reste profondément ancré dans le relationnel, la confiance et la connaissance fine des réalités locales. Chaque marché présente ses propres codes de consommation, de distribution et de régulation. À ce titre, s’appuyer sur les bons partenaires locaux, ce n’est pas simplement déléguer : c’est acquérir un avantage compétitif, contourner des obstacles culturels et légaux et s’assurer une meilleure pénétration du marché.

Selon le Rapport OIV 2023, plus de 45% des ventes mondiales de vin se font à l’export. Parmi les entreprises qui réussissent leur implantation dans un nouveau pays, 80% considèrent le choix de relais locaux comme un facteur déterminant de leur succès (OIV, Key Global Wine Figures 2023).

Les typologies d’acteurs à cibler varient selon le pays, le mode d’entrée sur le marché et les segments visés. Voici les familles d’acteurs qui s’imposent le plus souvent :

• Importateurs-distributeurs : Ils sont l’interface principale entre la maison d’origine et le marché. Leur réseau, leur portefeuille et leur capacité à promouvoir la marque sont cruciaux.
• Agences et bureaux commerciaux : Souvent spécialisés dans la représentation et la négociation, ils facilitent l’accès à de nouveaux réseaux clients.
• Logisticiens et transitaires locaux : Maîtriser les spécificités logistiques nationales – règlementation douanière, stockage sous douane, gestion des droits d’accise – nécessite de solides appuis.
• Distributeurs en B2B (wholesalers, cash & carry) : Pour certains marchés (Royaume-Uni, Japon), la vente en gros via des distributeurs nationaux ou régionaux reste dominante.
• Points de vente (grandes surfaces, cavistes, CHR) : Directement ou via vos partenaires distributeurs, identifier les bons canaux finaux crédibilise votre stratégie de marque.
• Prescripteurs locaux : Sommeliers, journalistes vin, influenceurs, formateurs, qui jouent un rôle de recommandation déterminant, surtout sur les marchés à forte dimension d’éducation (USA, Chine, Corée…)
• Conseillers juridiques et organismes de certification : Garants du respect des normes et de l’étiquetage, ils dépendent fortement du contexte réglementaire du marché ciblé.
• Partenaires institutionnels : Chambres de commerce, offices de promotion agricole et structures d'accompagnement à l'international, parfois clés dans certains pays émergents.

Identifier ne suffit pas : le choix des partenaires locaux doit reposer sur une grille d’analyse rigoureuse. Voici les points de vigilance à intégrer :

1. Réputation et solidité financière : Un partenaire crédible doit justifier d’une réputation établie, ce qui peut être confirmé par le bouche-à-oreille ou les organismes consulaires.
2. Capacité à distribuer votre gamme : Certaines structures privilégient les spiritueux, d’autres les vins premium, d’autres encore les vins d’entrée de gamme. Analyser leur portefeuille évite l’écueil du déréférencement sauvage.
3. Maîtrise des canaux de distribution : Disposent-ils réellement d’un accès privilégié aux clientes visées (grande distribution, CHR, e-commerce) ? Le cas de la Chine est parlant : 67% des vins importés sont achetés via des circuits en ligne (China Alcoholic Drinks Association, 2022).
4. Compétence logistique et conformité réglementaire : Le partenaire doit assurer le transport, le stockage et la livraison dans le respect des normes (température, douane, traçabilité).
5. Expérience avec des entreprises étrangères : Leur comprendre des attentes et contraintes des exportateurs européens, par exemple, facilite la relation.
6. Engagement commercial : Attendre d’un importateur qu’il fasse la promotion effective des vins – et ne soit pas qu’un simple preneur de commande – est fondamental.
7. Transparence sur la politique tarifaire et les marges : Contrôler la formation du prix final distributeur, afin de préserver la cohérence de sa stratégie de marque.

• Confondre importateur et partenaire stratégique : Certains se contentent d’acheter sans réel engagement marketing, menant à la stagnation des ventes.
• Sous-estimer la nécessité du suivi terrain : Un partenariat local ne se pilote pas à distance. Les visites régulières, la formation des équipes et la participation à des salons locaux sont essentiels.
• Se reposer sur des données anciennes ou des relais obsolètes : Le marché évolue vite, surtout depuis la pandémie et la montée en puissance du commerce digital. Le réseau de 2019 n’est plus toujours pertinent.
• Négliger la question du paiement et de la devise : Les retards de paiement coûtent cher à l’export. 39% des entreprises françaises exportatrices déclarent avoir subi au moins un impayé à l’international selon le dernier baromètre Euler Hermes (2022).
• Ignorer la dimension culturelle : La négociation, la gestion de la relation commerciale, jusqu’au packaging du vin requièrent une vraie intelligence culturelle. Au Japon, par exemple, le respect du client et la réactivité importent plus que l’agressivité commerciale.

États-Unis : fragmentation et rôle des agents

Le système des “three tiers” (importateur, distributeur, détaillant) impose la multiplication des partenaires, souvent différents d’un État à l’autre. L’appui de consultants spécialisés ou d’agents maîtrisant la cartographie locale est conseillé. Les importateurs nationaux tels que Southern Glazer’s Wine & Spirits ou RNDC jouent un rôle majeur mais les importateurs régionaux peuvent offrir une entrée de gamme plus agile pour les petites maisons (Wine Business Monthly, 2023).

Chine : digital et influence locale

Les plateformes Alibaba, JD.com ou Pinduoduo définissent de nouveaux relais, tout comme les influenceurs et opinion leaders (“KOLs”) dans le secteur du vin. Identifier des partenaires capables de tracer un lien entre online et offline est devenu capital. Notons que sur le marché chinois, 50% des ventes de vins importés passent désormais par le digital, bien au-dessus des moyennes mondiales (CADA, 2022).

Allemagne : poids des cavistes et importateurs spécialisés

Le marché allemand valorise la pédagogie produit. Les importateurs indépendants jouent un rôle clé, tout comme les chaînes de cavistes type Jacques’ Wein-Depot. Le partenariat avec des acheteurs segmentés selon les régions (Länder) permet une meilleure adéquation au tissu local (Statistisches Bundesamt, 2023).

Royaume-Uni : grands distributeurs et marché multi-canal

Avec 30% du vin consommé vendu par les supermarchés (source : WSTA, 2022), les importateurs et distributeurs capables de référencer dans la grande distribution sont recherchés. Mais le développement rapide du e-commerce ouvre la voie à de nouveaux types de partenaires agiles, notamment les plateformes spécialisées (The Wine Society, Majestic…).

1. Identification initiale via bases de données et veille sectorielle : Sources comme Kompass, Wine Intelligence ou les listes proposées par Business France, OEC, ou les offices consulaires locaux.
2. Participation à des salons professionnels ciblés : ProWein, Vinexpo, London Wine Fair sont des moments décisifs pour prendre contact, évaluer la dynamique des acteurs et construire son réseau.
3. Mobilisation des dispositifs publics et privés d’accompagnement : Business France, Team France Export, les Conseillers du Commerce Extérieur ou les Chambres de commerce bilatérales (CCIF).
4. Évaluation par des audits croisés : Rencontrer plusieurs partenaires potentiels, visiter leurs installations, recueillir des retours clients, engager des discussions sur la stratégie de développement et la répartition des rôles.

• Rédiger un accord de partenariat clair, intégrant objectifs commerciaux, clauses de responsabilité, modalités de suivi et indicateurs de performance.
• Former les équipes partenaires à l’identité de la marque, l’histoire du domaine et les arguments de vente différenciants.
• Suivre et accompagner l’évolution du marché local, réajuster la stratégie de distribution et s’adapter aux mutations digitales.
• Mesurer la performance des partenaires via des outils de reporting, pour ajuster la collaboration en temps réel.

Le choix du bon partenaire local ne doit jamais être vu comme une finalité. Dans un contexte où le vin est aujourd’hui l’un des dix premiers produits agricoles échangés dans le monde (source : FAO, 2023), la relation commerciale doit évoluer vers un véritable partenariat de co-développement, intégrant innovation, réactivité et adaptation mutuelle.

L’enjeu clé pour l’exportateur est de savoir s’entourer d’acteurs qui accompagneront sa croissance sur le long terme, capables d’absorber les chocs du marché, de comprendre la spécificité de son portefeuille et d’anticiper les évolutions réglementaires. S’appuyer sur un réseau local solide demeure ainsi l’arme stratégique des entreprises qui réussissent à s’imposer durablement à l’international.