Réussir une étude de marché export du vin : cartographie des sources de données fiables

Le vin est un produit à forte valeur symbolique, ancré dans des dynamiques réglementaires, culturelles et concurrentielles extrêmement variables d’un marché à l’autre. Sans données fiables, le risque de décisions inadaptées est majeur : choix erronés du segment, du prix, du circuit, du mode d'entrée. Or, la donnée brute ne suffit pas. Il s'agit de croiser et d'analyser des informations quanti et quali pour évaluer la demande, la concurrence, la distribution, la fiscalité, ou encore le positionnement de l’offre locale.

L’usage combiné de différentes sources offre la meilleure garantie d’accès à une information précise et actualisée. Tour d’horizon des incontournables pour élaborer une étude de marché export dans le secteur vinicole :

Les bases nationales et internationales de statistiques agricoles et douanières

• Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) : L’OIV centralise chaque année des rapports détaillés sur la production, la consommation, les flux et les principaux marchés du vin (oiv.int). Exemple marquant : en 2022, la production mondiale de vin (hors jus et moûts) a atteint 258 millions d'hectolitres selon leur rapport annuel.
• COMTRADE (ONU) : Probablement la plus vaste base de données sur les échanges commerciaux mondiaux, accessible en ligne, elle permet de suivre les flux d’exportation et d’importation par pays et code produit (comtrade.un.org). Une source clé pour comparer la dynamique d’un marché sur la décennie.
• Les bases statistiques nationales : Les instituts nationaux (INSEE pour la France, ISTAT en Italie, US Census Bureau pour les États-Unis, etc.) publient des données sur la production, la consommation et le commerce. Exemple : l’INSEE met à disposition des fichiers détaillés sur les exportations françaises de vins, segmentées par région, type de vin, destination, et année.

Institutions d’appui à l’export et organismes nationaux sectoriels

• Business France : L’agence française pour le développement international des entreprises publie des études sectorielles, des guides d’accès marché (par pays) et anime un réseau d’experts terrain pour appuyer la stratégie d’export du vin français (businessfrance.fr).
• Department for International Trade (DIT) au Royaume-Uni, ICEX en Espagne, ou ITA (Italian Trade Agency) proposent des ressources sur leurs marchés respectifs, souvent gratuites.
• Comités interprofessionnels et syndicats viticoles : L'exemple français est particulièrement parlant : le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux), le BIVB (Bourgogne), ou encore le CNIV au niveau national, publient études, chiffres clés, et analyses marchés à destination des professionnels.

Sources réglementaires et fiscales

• WTO – World Trade Organization : Actualités juridiques, accords, droits de douane et barrières tarifaires pour le vin pays par pays (wto.org).
• Market Access Database (UE) : Un outil conçu par la Commission Européenne pour obtenir toutes les conditions d’accès au marché de plus de 100 pays hors UE (taxation, étiquetage, autorisations) — plus d’1 million de consultations annuelles.
• Portails officiels gouvernementaux : Citons le US Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau (TTB) pour les États-Unis, ou l'équivalent au Canada (canada.ca) pour mesures sanitaires et taxes à l’importation.

• Études sectorielles spécialisées : Des cabinets comme IWSR (International Wine & Spirits Research) et Wine Intelligence publient régulièrement des rapports de tendances consommateurs, segmentation, et évolution des occasions de consommation. Exemple : Selon IWSR, la Chine a connu une chute du volume d’importation de vin rouge de près de 45% en 2020-21, mais une progression des vins effervescents, illustrant le basculement des habitudes de consommation.
• Panels distributeurs NielsenIQ, GfK, Kantar : Ces sociétés collectent les données de vente par circuit et par catégorie, analysant l’évolution de la répartition grande distribution / CHR / e-commerce. Le rapport “FranceAgriMer – Vin 2022” s'appuie sur Nielsen pour montrer une progression de 25% des ventes e-commerce de vin en France depuis 2019.
• Baromètres consommateurs et études d’opinion : Ipsos, Yougov, ou Toluna, diffusent régulièrement des études sur la perception des vins étrangers, l’attente vis-à-vis du bio, du packaging, ou du sans alcool sur des marchés clés.

Comprendre ses concurrents directs sur le marché cible nécessite une veille méthodique. Voici quelques méthodes éprouvées :

• Analyse des importateurs locaux : Utilisation des annuaires professionnels (Wine Importers Database, Kompass, ou encore annuaires locaux officiels fournis par les chambres de commerce). Certains pays (ex. Japon via le JETRO) publient des listes d’importateurs agréés par catégorie.
• Observation du référencement distributeur : Relevés terrain (en magasin ou en ligne) permettant d’identifier les marques présentes, les prix de vente au consommateur, et les typologies de gamme. Le suivi des plateformes e-commerce (Vivino, Wine-Searcher, Rakuten) offre aussi une mine d’informations sur l’offre réelle.
• Participation à des salons professionnels : ProWein, Vinitaly, Vinexpo ou London Wine Fair, sont à la fois des lieux d’enquête et de benchmarking “grandeur nature” pour évaluer le positionnement des acteurs en place.

• Médias spécialisés et newsletters : Decanter, Meininger’s, The Drinks Business, La Revue du Vin de France, ou Vitisphere publient analyses, interviews et tendances. Ces publications offrent aussi des informations “chaudes” sur les mouvements du secteur (lancements, fusions, prix, nouveaux circuits...).
• Alertes Veille : Des outils comme Google Alerts, Factiva ou Meltwater permettent la surveillance en continu des actualités concernant le marché visé, les évolutions réglementaires ou l’activité de concurrents stratégiques. Sur des marchés comme le Québec, la consultation du SAQ (Société des alcools du Québec) est incontournable pour anticiper les appels d'offres et politiques d’achat.

1. Recouper et actualiser : Les chiffres diffèrent souvent d’une source à l’autre (exemple : volumes d’export Chine – Espagne selon OIV ou rapport du Ministère du Commerce chinois). Il faut privilégier les tendances, et procéder à des recoupements systématiques.
2. Contextualiser géographiquement et culturellement : Un chiffre brut n’a de sens que rapporté au contexte local. Par exemple, une hausse d’imports n’indique pas toujours une hausse de consommation : l’évolution des stocks ou la ré-exportation peuvent fausser la lecture des données.
3. Intégrer la variable temps : Les cycles du vin (ex : effet millésime, taxes exceptionnelles, pandémie COVID, évolution des habitudes alimentaires) rendent indispensable l’analyse pluriannuelle.
4. Être vigilant sur la saisonnalité : Certaines données connaissent d’importantes variations saisonnières (nouveaux marchés, impact des primeurs, campagnes promotionnelles) : l’analyse mensuelle ou trimestrielle s’impose pour ne pas biaiser la projection.

• Sous-estimer la diversité des canaux de distribution : Dans de nombreux pays, l’e-commerce et la vente directe progressent rapidement et ne sont pas toujours intégrés dans les chiffres des panels classiques.
• Surévaluer la demande potentielle basée sur une image de marque nationale : Une “French touch” n’est pas nécessairement un gage de succès, notamment dans les marchés “New World” où des acteurs locaux s’imposent sur le segment médian, comme en Australie ou en Afrique du Sud.
• Ignorer les barrières non tarifaires : Étiquetage, certifications, exigences logistiques (containers, garanties sanitaires). Le respect de ces normes devient un levier-clé de succès ou d’échec – comme l’ont montré plusieurs retours de containers de vins en Chine pour défauts d’étiquetage ces dernières années.

Une étude quantitative fondée sur les bases évoquées ici gagne à être enrichie par des données de terrain : entretiens avec importateurs, tables rondes avec distributeurs locaux, visites d’établissements, participation à des dégustations. Cette hybridation permet de vérifier la réalité du marché, affiner le discours commercial et bâtir une feuille de route solide.

• Créer un tableau de bord de suivi des indicateurs clés (produire/exporter/importer, évolution prix, canaux, structure de taxes par pays...)
• Programmer des alertes sur les principaux médias spécialisés et instituts statistiques
• Échanger avec des pairs du secteur (groupes professionnels LinkedIn, réseaux internationaux, chambres de commerce) pour partager retours d’expérience
• Ne pas sous-estimer la valeur de la veille concurrentielle sur salons, foires et rendez-vous sectoriels

Collecter des données pour une étude de marché export dans la filière vin va bien au-delà du “photomaton” d’un marché. Cette démarche est celle d’une observation continue, évolutive, où la combinaison de données institutionnelles, d’insights qualitatifs et de retours terrain offre les meilleures chances de succès. Prendre le temps de bâtir sa propre cartographie de sources fiables, savoir les analyser et les confronter, devient un réflexe stratégique à cultiver pour chaque entreprise envisageant l’international.